Vite ou bien ? Quantité ou qualité ? Vitesse ou précipitation ?
« Et aujourd’hui encore, à quoi pensait-il ? A demain, à plus tard. Une impatience rageuse l’empêchait de profiter de cette belle matinée, de ce bel horizon, de cet air doux à respirer…», Maurice Druon, Les rois maudits – volume Le lis et le lion, Plon 2002.
Introduction
« Le temps c’est de l’argent » est une formule ancienne, mais toujours citée, voire assénée, comme une évidence. Il y a quelques semaines, lors d’un webinaire, m’est venue la réflexion suivante : « et si nous prenions ce dicton à l’envers ? ». Ce qui m’a entrainé dans la réflexion ci-après. Je dois bien l’avouer, j’aime assez le résultat.
1. Le webinaire
Le 23 novembre 2023, j’assistais donc au webinaire de l’agence troyenne Adverti intitulé « Les erreurs les plus fréquentes en communication digitale ». J’ai, ainsi, pu constater que l’ensemble de ces erreurs servent toutes mon propos. Elles partent de l’absence de stratégie définie en passant par la méconnaissance du parcours client, sans négliger, entre autres, l’oubli (en est-ce un ?) d’auditer régulièrement sa communication.
Ce qui m’a frappé alors, c’est que l’ensemble de ces erreurs, outre le fait qu’elles semblent provenir d’une absence de prise en compte, souffrent d’un manque de temps certain. Et oui, le temps, c’est de l’argent, n’est-ce pas ?
2. Le manque de temps
Or, il est quand même étonnant que ce dicton, que dis-je cette manière de vivre et de travailler, perdure. Ce à une époque où le manque de temps est invoqué en permanence. Certains diront que c’est la manière de faire des puissants, de ces chefs d’entreprise en quête de gains faramineux. Comme Didier Castres, j’y vois plutôt « la tyrannie de l’immédiateté » (La fin de l’imaginable. Les nouvelles frontières des conflits, chez Débats Publics, 2023 (p.34)).
Mais qu’en est-il à plus petit niveau ? Il s’agit de faire vite pour ne pas perdre un marché. On néglige des étapes, faute de temps, bien sûr, mais aussi parce que l’on ne dispose pas du personnel compétent disponible. Ou encore parce que l’importance de ces actions ne s’impose pas comme une évidence. Bref, parce que l’on n’en perçoit pas l’intérêt.
Ou, tout simplement, parce que nous ne savons pas faire autrement et que cette satanée formule est perçue comme une vérité absolue. Vérité avérée puisque nous sommes désormais bel et bien prisonniers d’un monde où l’immédiateté – tant à titre professionnel que personnel – est devenue la règle ; plus que la norme.
3. Quand gagner consiste à prendre son temps
Enfin, prisonniers… A voir !
– A voir, si l’on considère ces actions, malencontreusement transformées en erreurs, comme un investissement ; et non plus une contrainte (quand ce n’est pas un impératif).
– A voir, si l’on comprend que prendre le temps de la réflexion, celui de fourbir ses outils et de vérifier leur efficacité est un gage de succès sur le long terme ; et non plus un détail.
– A voir, si, au bilan, on constate que ce n’est pas une perte de temps, mais l’acquisition d’une plus grande capacité à mieux atteindre ses objectifs ; et non plus un frein.
– A voir, si l’ensemble de ces gains nous placent en meilleure posture pour réagir aux accidents de parcours (comme lors de la pandémie, par exemple) ; au lieu de nous entraver.
– A voir, si savoir prendre son temps génère une bien meilleure ambiance ; au lieu de nous épuiser…
Conclusion
Une autre vérité s’impose donc. Certes, la traduction communément admise de ce fameux dicton est quelque chose comme « Faire au plus vite pour gagner plus d’argent ». Mais une autre compréhension mérite assurément le détour : « Pour gagner de l’argent (et pas que), sachons prendre le temps nécessaire ». Donc, adoptons la vision inverse. Et retrouvons du temps.
Je ne serais d’ailleurs pas surpris que ceux qui en gagnent le plus procèdent ainsi. Sans confondre vitesse et précipitation.
« Quand on est jeune, ne rien faire donne mauvaise conscience. Quand on est vieux, on réalise qu’attendre c’est un métier ». (Film Maigret voit rouge, 1963)
Photo en en-tête : @2019olivierdouin / A Munster