L’ère du numérique offre des opportunités. Mais tout s’accélère, pour le meilleur comme pour le pire. Revenons ici, avant d’aller trop vite, sur quelques principes intangibles de l’acte de diriger.
Dirigeants, leaders, managers, chefs ou cadres de tous ordres ont droit à de multiples analyses. Le plus souvent, celles-ci sont comparatives : le leader, c’est ceci ; le chef c’est cela, avec dans l’idée que telle catégorie est bien meilleure, surtout si les individus concernés sont bienveillants. Mais, si se pencher sur le pour et le contre, les qualités requises, les savoir-faire et autres savoir-être a son intérêt, surtout, ne perdons pas de vue la question initiale : qu’est-ce que diriger (ou quel que soit le verbe) ? Accessoirement, il n’est pas inutile de se demander en quoi un chef (ou quelle que soit la terminologie) est indispensable et de jeter un œil sur ce mot si souvent évoqué : la confiance.
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1. Diriger, c’est ?
Quelqu’un qui est en charge (arrêtons, pour faire simple, l’énumération des titres) se voit confié — ou, parfois, s’attribue — une responsabilité première : celle de diriger. Et, toujours pour faire simple, diriger c’est :
- prendre en compte une situation,
- décider,
- mettre en œuvre une décision.
Poussé à l’extrême, prendre en compte une situation impose d’anticiper et, donc, d’avoir une vision la plus globale possible. Cela implique, bien évidemment, de l’analyser sous tous les angles et d’appréhender les différentes interactions ainsi que leurs conséquences. C’est aussi accepter une part inévitable, plus ou moins importante, d’incertitude et, donc, de ne pas pouvoir tout maîtriser.
Décider c’est aussi, tout en s’appuyant sur ce qui précède, écouter les autres ; il ne s’agit pas ici de qualité (même si cela aide grandement), mais d’un fait technique impératif car, non, nul n’a la science infuse. C’est encore analyser, mais, cette fois, il s’agit d’apprécier finement les implications des solutions envisagées ; ce, également, dans tous les domaines. C’est, enfin, trancher, donc décider ; en gardant à l’esprit que, comme le veut l’adage, « choisir, c’est renoncer ».
Mettre en œuvre la décision, enfin, c’est avant tout, donner des directives et des ordres ; lesquels seront compréhensibles, donc clairs, et réalisables si l’on désire vraiment que l’objectif soit atteint. C’est, ensuite, contrôler la mise en œuvre de ses instructions ; contrôler non pas pour “fliquer” mais dans son sens noble (mais si, cela se peut), pour permettre, justement d’atteindre l’objectif. C’est aussi réagir en fonction des aléas et, donc, adapter les ordres et le dispositif autant que nécessaire ; et que possible.
Mais alors, me direz-vous, pourquoi faut-il qu’une seule personne soit investie puisque, à l’évidence, ce sont plusieurs collaborateurs qui sont impliqués dans cette procédure ?
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2. Pourquoi un chef ?
Bonne question, semble-t-il. Surtout à l’ère du “co” : coopération, collaboration, co-construction, etc. Et de toutes ces méthodes de management qui viennent apparemment tout droit de l’univers de la start-up ou de celui de la toute petite entreprise. Et pourtant, même là…
- Même là, un chef s’avère rapidement indispensable, car il faut bien quelqu’un pour garder le cap si l’on veut être efficace dans la durée.
- Même là, un dirigeant est incontournable, car, lorsqu’il y a un problème, en interne comme, a fortiori, devant la loi, c’est vers lui — et lui seul — que tous les yeux se tournent.
- Même là, un cadre s’impose, car certains — et ce ne sont pas les moins nombreux — ne parviennent pas, ce quel que soit leur niveau, à travailler sans directives, sans limites, sans… contraintes.
Et c’est ici que se pose la question des rapports entre le dirigeant et ses collaborateurs.
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3. Confiance, vous avez dit confiance ?
S’il y a un maître mot, c’est bien celui-ci. Probablement autant employé, voire plus, que celui à la mode de « bienveillance ». Mais est-ce le bon ?
Pour ma part, je regarderai plutôt vers la subsidiarité en ayant à l’esprit les panneaux dans les ateliers (« une place pour chaque chose et chaque chose à sa place ») ou encore la phrase « chacun son métier et les vaches seront bien gardées ».
La subsidiarité est, ainsi, gage d’optimisation de l’efficacité. Et elle rime également avec coopération. Cependant, elle n’est pas monolithique : la position du curseur varie selon les circonstances, certaines d’entre elles imposant d’être beaucoup plus directif.
Cela passe, effectivement, par la fameuse confiance. Mais celle-ci, même si elle est acquise d’emblée, se mérite. Donc, en fait, elle se gagne — tout comme il appartient à chacun de démontrer son efficacité — comme elle peut se perdre.
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Pour partir du bon pied, il est donc impératif :
- de bien intégrer les actes techniques essentiels qui constituent le quotidien du dirigeant ;
- de comprendre ce qui rend celui-ci indispensable et parfois seul (la fameuse solitude du chef), même lorsqu’il est entouré ;
- de se persuader que chaque nouvelle situation a des conséquences, souvent sur tout et sur tous.
A partir de là, il devient possible de décliner toutes les qualités à posséder et l’ensemble des défauts à éliminer. En ce qui me concerne, je suggérerais plutôt, par réalisme, d’instaurer un véritable processus de retour d’expérience (RETEX) lequel sera profitable à tous. Mais ceci est une autre histoire…
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