Lors d’un contrôle opérationnel (il y a bien longtemps), un contrôleur m’a dit : « vous, au moins, vous ne vous prenez pas au sérieux ». Cela tombait bien, l’un de mes principes étant « il ne faut pas confondre faire les choses sérieusement et se prendre au sérieux. »
« His military education began at the bottom and was guided by the pragmatic philosophy, ‘Know your tools and how to handle them’… ».
The iron duke. A military biography of Wellington. Lawrence James, Lume books 2021
Rien que l’évocation du mot « contrôle » génère le rejet.
Cela peut se comprendre : les mauvaises expériences ne manquent pas. Mais le rejet pur et simple est tout aussi néfaste car il prive ses acteurs d’une grande possibilité de progresser.
Il s’agit donc de dépasser le stade du contrôle négatif pour se tourner vers une version autrement positive. C’est-à dire, d’une part, une manière de procéder intelligente des contrôleurs et, d’autre part, une attitude responsable des contrôlés. Avec le désir des premiers de permettre aux seconds de s’améliorer. Pour autant que ces derniers en admettent la nécessité. Sachant qu’il y a toujours matière à progresser…
Nota : nous ne parlerons pas ici des contrôles basiques ; quoique là aussi…
L’effet repoussoir du contrôle
Ne nous voilons pas la face : nous avons tous connu des contrôles négatifs, voire contre-productifs.
Le contrôle totalement inutile
Celui sans le moindre enseignement qui puisse justifier son existence. Celui dont le constat, sans appel, est : « vous n’étiez pas bon » ; mais sans le début d’une explication et d’une piste de travail. Bref le contrôle très facile à faire et souvent dur à encaisser.
Le contrôle effectué par des êtres dits supérieurs
Celui dont les auteurs se considèrent comme des dieux dont la seule mission, ici bas, consiste à vous persuader de votre inanité, voire de votre nullité. Celui-ci, systématiquement associé au précédent – la réciproque n’est pas toujours vraie – aggrave le constat.
Le contrôle rejeté d’emblée
Celui qui, à peine annoncé, génère une levée de boucliers et une attitude négative. Le contrôle qui n’aboutira à rien, si ce n’est à un éventuel bras de fer contreproductif et qui aura fait perdre du temps à tout le monde ; pour le plus grand plaisir de ceux dont la vocation est de n’être jamais contents.
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Au bilan, la combinaison des trois – mauvais contrôle, mauvais contrôleurs et mauvais contrôlés, quand elle se produit, procure l’effet le plus désastreux qui soit. Mais que le lecteur se rassure, il est possible de revoir la copie.
Comprendre le contrôle
Pour y parvenir, le mieux est de répondre à des questions simples et de bon sens comme « qu’est-ce que c’est ? », « comment ? », sans oublier la question de base « à quoi ça sert ? ». Si je pose ces questions à l’assistance, j’obtiendrai probablement autant de réponses que de participants. Ou, pour le moins, de nombreuses variantes. Alors, autant parler le même langage.
Qu’est-ce que c’est ?
Très sobrement, pour répondre à la première question – qu’est-ce que le contrôle ? – je m’en tiendrai à la caractéristique suivante : « le contrôle s’appuie sur des éléments objectifs et mesurables ; il est effectué par des experts ». Les mots clefs sont « objectifs», donc le contraire de subjectifs ou encore d’arbitraires ; « mesurables », ce qui vient renforcer le précédent, donc sa validité ; « experts », donc des contrôleurs parfaitement crédibles.
Comment ?
La réponse à la deuxième semble plus délicate, mais elle demeure simple dans l’esprit. Elle s’avère plus compliquée car à géométrie variable en fonction de l’entité contrôlée et surtout, du contexte du contrôle (oui, cela est important et doit compter) ; ce qui suppose une étude préalable de la situation et de l’environnement Mais elle ne posera pas de véritable problème dans la mesure où objectivité, mesure et expertise demeurent la règle.
A quoi ça sert ?
Enfin, pour répondre à la troisième, il s’agit que tous soient parfaitement au courant des attendus et des enjeux du contrôle. Soit le commanditaire, les contrôlés et les contrôleurs. Ainsi, le contrôle sera conçu et conduit et le bilan élaboré en fonction des principes cités, du contexte particulier et d’objectifs clairs.
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Ces éléments étant précisés, intéressons nous à quelques règles d’or relatives au bon déroulement d’un contrôle.
Quelques principes pour un bon contrôle
Vaste sujet, n’est-ce pas ? Là encore, chacun ira de ses principes. Mais, dans un souci de simplification et d’efficacité (du moins je l’espère), je m’en tiendrai à trois règles relatives aux rapports entre contrôleurs et contrôlés.
Les règles du jeu
Tout d’abord, les règles du jeu doivent être parfaitement claires. Pour ce faire, je préconise une brève réunion entre les deux entités préalablement au contrôle (quelques heures avant). Le quoi, le pourquoi et le comment doivent être rappelés. C’est aussi l’opportunité de poser les questions rentrées. Dans l’hypothèse d’un contrôle inopiné, il convient, en amont, d’en préciser la possibilité ainsi que les tenants et les aboutissants.
Le comportement des contrôleurs
Les contrôleurs eux-mêmes doivent s’en tenir à certaines règles. La première d’entre elle consiste à se rendre le plus invisible possible sous peine de fausser le comportement des contrôlés, voire de les gêner dans l’accomplissement de leurs tâches. En revanche, un dialogue est tout à fait envisageable, mais à des moments opportuns et sans influencer – volontairement ou non – les interlocuteurs. C’est là affaire d’intelligence de situation.
Le bilan
Enfin, le point majeur repose sur le constat final. Ce dernier est dressé à l’occasion d’une analyse après action (dite 3A pour les intimes). Les contrôleurs y font le bilan de ce qu’ils ont mesuré – à l’ère du numérique, des outils appropriés s’avèrent fort utiles. Et comme il s’agit aussi de permettre aux contrôlés de progresser, ils suggèrent des pistes concrètes pour y parvenir.
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Nous en revenons ainsi aux trois mots clefs du « qu’est-ce que c’est ? ». Auxquels il convient d’en rajouter un quatrième : « transparence ».
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Bien mené, dans un esprit de pédagogie de progrès, un contrôle a toutes les chances d’être accepté.
Un contrôle efficace se doit d’être utile. Il doit donc déboucher sur une véritable feuille de route génératrice de progrès qu’il sera possible de mesurer… à l’occasion d’un contrôle futur ou de l’exécution d’un projet, par exemple.
Le contrôle, enfin, a d’autant plus de valeur qu’il s’inscrit dans un processus de long terme, de retour d’expérience (RETEX). Et contribue ainsi à transformer l’entité concernée en véritable organisme apprenant.
Be seeing you / Bonjour chez vous.
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Image en en-tête @2024_olivierdouin : dans le château de Caernarfon (Pays de Galles)