Réflexions de vacances : le droit à la déconnexion est entré en vigueur le 1er janvier 2017. Mais si on parlait aussi du devoir de déconnexion ?
Le droit à la déconnexion est le droit pour un salarié de ne pas être en permanence joignable en dehors de ses heures de travail. Son objet est donc de protéger le salarié. Mais, dans ces temps d’hyper connexion, voire, pour certains, d’addiction au numérique, ne serait-il pas également judicieux de nous protéger de nous-mêmes ?
Ce type de dépendance – au travail mais pas seulement – n’est pas nouveau comme l’attestent des expressions d’avant l’ère digitale comme « savoir débrancher », « les cimetières sont pleins de personnes qui se croyaient indispensables », « être et durer »… Mais peut-on seulement vraiment débrancher ? Ou, à tout le moins, est-il possible de trouver un juste milieu ?
Pour répondre à cette question, il est intéressant de considérer quelques exemples de déconnexion qui ne s’appliquent pas à notre travail ou ou au quotidien. Il sera possible, ensuite, de réfléchir à la déconnexion pendant nos voyages. Pour, finalement, aboutir à une forme de devoir de déconnexion.
De la déconnexion dans d’autres domaines
Quel voyage vais-je faire ?
Les vacances sont faites pour faire quelque chose d’autre, se changer les idées, se dépayser et aussi se reposer, recharger ses batteries. Certains effectuent un voyage marathon. Cela peut tout-à-fait se comprendre, surtout s’il s’agit DU voyage. Au bilan, on l’a fait, on ramène (espérons-le) de bons souvenirs et des images pleins les yeux ; mais on revient… éreintés.
Une alternative consiste à rester plus longtemps au même endroit. Ici , on privilégie la qualité sur la quantité. Le voyageur revient avec une meilleure connaissance du ou des lieux visités et des gens avec lesquels il aura peut-être pris le temps de réellement communiquer ; et il sera d’autant plus reposé qu’il aura fait l’économie… du stress du voyage marathon. Comme déjà évoqué sur le thème du voyage dans cet article présent sur ce même site.
Comment classer mes photos ?
L’avènement de la photographie numérique a bouleversé nos habitudes. N’étant plus limité par les changements de pellicules, leur coût ainsi que celui de leur développement, le photographe multiplie les prises : on peut tout photographier. Dans le lot, il y en aura quelques unes de bonnes et, même, les logiciels de retouche viendront sauver le chef d’œuvre en péril. Mais très rapidement, apparait un problème très concret : comment traiter et classer ces centaines, voire ces milliers de prises ? Évidemment, la taille des disques fait qu’il n’y a plus vraiment besoin de se soucier du rangement. Mais, enfin, que reste-t-il de tout cela à part le diaporama qui tourne en boucle pour nous rappeler que nous avons été en vacances (ce qui nous ramène au point précédent) ?
Une alternative, consiste, encore une fois, à privilégier la qualité sur la quantité et à adopter la même démarche que celle du temps de la photo analogique : penser la photographie avant de déclencher, étudier le cadrage, la lumière, le sujet, etc. Et faire en sorte de revenir avec les morceaux choisis.
Comment passer mon week-end ?
Ou notre week-end ? Je ne vais pas détailler ce que recouvre l’habitude de systématiquement ramener des dossiers ou ses problèmes à la maison. Ou de consacrer plusieurs heures à faire les courses. Ne serait-il pas plus sain, plus constructif, d’avoir au moins un ou plusieurs créneaux de réelle vie commune où l’on partage une ou plusieurs activités (bon, d’accord, les courses en sont une, sort of…) ? Ou de jouer à des jeux de sociétés, etc. ? Bref, de dialoguer, de se parler ?
De la déconnexion en voyage
C’est en ayant un peu tout cela à l’esprit que je suis parti en vacances cet été, bien décidé à débrancher. Or, pour différentes raisons tant professionnelles (je suis consultant, après-tout) que personnelles, la déconnexion totale n’était pas à l’ordre du jour. En revanche, j’étais fermement déterminé à m’imposer et, surtout, à respecter quelques règles simples !
L’ordinateur portable : déconnexion totale
C’est ma première victime, même s’il s’agit d’un ultra portable. Tout d’abord, parce que voyager léger, même lorsque « c’est la voiture qui porte » accentue la sensation de vacances. Ensuite, parce que, c’est décidé, je ne traiterai aucun dossier. Enfin, parce que je suis cohérent avec ce que j’ai écrit plus haut à propos des photos : la première raison qui, dans le passé, m’a poussé à emporter mon portable en vacances était le traitement quotidien de mes photos ; à partir du moment où je me suis mis à pratiquer « le tri sélectif », ce besoin n’était plus avéré.
Le smartphone : très forte déconnexion
Il s’agit ici de l’appareil qui sert à téléphoner (d’autres fonctionnalités suivent). Lui, je l’emporte, mais :
- sur vibreur ;
- dans le sac à dos pendant mes déplacements ;
- je le consulte deux fois par jour. Le matin et en début de soirée. Pour vérifier les messages (donc pas de réponse en direct, d’ailleurs il est dans le sac) et y répondre, en fonction de mes critères d’urgence, le lendemain ou à mon retour et certainement pas le week-end (avec une exception pour les SMS familiaux mais il n’y a pas d’abus de ce côté-ci).
Quant à la fonction appareil photo… Et bien ce n’est pour moi qu’une roue de secours : je reste fidèle à mon matériel que je sélectionne en fonction du déplacement. D’ailleurs, ces derniers, temps, je prends surtout mon compact expert qui, lui, ne reste pas dans le sac à dos.
Les courriels : très forte déconnexion
Je leur applique le même traitement qu’à leur vecteur : le matin avant de partir, le soir au retour, des réponses le jour d’après (et toujours pas le week-end) à quelques messages (rares) auxquels j’estime absolument devoir répondre ; une pincée de réponses d’attente éventuelles. Le reste au retour.
Il fut un temps où j’appréciais le gain de temps dans le fait de traiter les courriels au fur et à mesure. C’est, techniquement, toujours vrai. mais où est le repos ? N’est-il pas, même dans la vie courante, utile de prendre un peu de recul avant de répondre ? Et qu’est-ce qui constitue une véritable urgence ? D’ailleurs, je suis totalement en phase avec cette phrase lue un jour dans un family restaurant aux États-Unis :
“Poor planning on your part does not necessitate an emergency on mine.”
Les réseaux sociaux : déconnexion maximum
Là aussi, il y a quelque chose à faire. J’ai pris, il y a quelques années, le parti de ne suivre qu’un seul réseau : LinkedIn. Tout le monde le sait : les réseaux sociaux sont chronophages. C’est le cas même avec un seul. J’ai donc à peu près normé ma participation pour conserver la maîtrise de mon temps. Alors, en voyage, je réduis la voilure considérablement :
- planification d’un post par semaine en limitant les sujets de (grand) fond ; voire en m’écartant de mes sujets habituels. Les vacances servent aussi à s’intéresser à autre chose ;
- consultation rapide sur le smartphone, donc, au maximum… deux fois par jour ;
- aucune lecture de sujet de fond (éventuellement je m’envoie un lien pour une lecture à mon retour) ;
- une interaction quotidienne, peut-être deux mais pas plus. Ici, je me limite fortement, y compris – et peut-être surtout – sur les sujets sur lesquels j’interviens habituellement ;
- et rien le week-end !
Quant aux informations en général… je les oublie pendant quelques jours : je retrouverai certainement les « principales » au retour. Mieux : le « direct » et sa tyrannie auront été décantés.
Vers un devoir de déconnexion ?
Se déconnecter partiellement, a fortiori en vacances, est donc possible. Et, en y regardant de plus près, se déconnecter totalement l’est aussi.
Il faut bien admettre que prendre du repos est, plus que jamais, obligatoire. Comment pourrait-il en être autrement quand chacun souligne le stress, vante les mérites de la créativité, invoque le dynamisme, etc. ? Or, comment véritablement évacuer le stress, nourrir sa créativité, garantir son dynamisme sans se reposer ou en restant immergé dans ses activités et pensées quotidiennes ?
La réponse : se déconnecter, se changer les idées, doper son cerveau.
Ne serait-ce, en dehors des vacances, que par « micro-coupures ».
Sans parler d’une saine gestion de la connexion au travail. Mais cela, c’est une autre histoire…