Retour sur les élections de mi-mandat aux États-Unis : pour quels résultats et pour quelles perspectives en vue de l’élection présidentielle de 2020 ?
Le 6 novembre 2018, les élections de mi-mandat (ou midterm elections) se déroulaient aux États-Unis. Leur nature ainsi que les spécificités de cette édition sont récapitulées dans l’article « Les élections de mi-mandat aux États-Unis » dans ce même blog. L’objet du présent article est de donner un rapide aperçu des résultats et, surtout, de poser quelques questions en vue de la prochaine échéance : les élections présidentielles de 2020.
Les pièces au départ du coup
En substance, il s’agissait de répondre à la question suivante : la personnalité de Donald Trump allait-elle se retourner contre lui ?
Dans l’affirmative, les Démocrates espéraient une victoire significative, susceptible, éventuellement, d’envisager une mesure d’impeachment. Dans le cas contraire, le locataire de la Maison Blanche porurrait raisonnablement briguer un second mandat dans deux ans avec quelques chances de succès.
Pour ajouter à l’incertitude, des questions subsidiaires apparaissaient dans les derniers jours précédant le scrutin. Quel impact allaient avoir ses déclarations résolument offensives dans ses discours de campagne ? Quelles répercussions auraient ses décisions face aux caravanes de migrants ?
Et le vainqueur est ?
La réponse à cette question n’est pas simple. Chaque parti, comme souvent, crie victoire. En fait, tout dépend du point de vue que l’on adopte.
Les chiffres
Les résultats bruts sont sans équivoque, même si tous les sièges ne sont pas encore attribués au moment où j’écris ces lignes :
- les Démocrates (en bleu) remportent la Chambre des Représentants avec un score sans appel ;
- les Républicains assoient leur prédominance au Sénat en gagnant quelques sièges ;
- les Démocrates reprennent quelques postes de gouverneurs.
Alors match nul ou pas ?
Leur signification
Du point de vue des électeurs, le président Trump conforte sa base évaluée à 46% . Cependant, tout comme en 2016, les Démocrates remportent le vote populaire.
- Remarque : les Démocrates ont remporté des voix en amenant aux urnes des électeurs qui, d’habitude, ne se déplacent pas pour les élections de mi-mandat.
Cependant, le raz de marée escompté par les Démocrates n’a pas eu lieu.
- Remarque : Donald Trump conserve une grande liberté d’action.
En outre, les attributions de la Chambre sont résolument orientées vers la politique intérieure ; c’est bien sur ce point que cette instance peut gêner l’exécutif. Mais celles du Sénat sont primordiales : ce dernier héberge les grandes commissions, confirme les nominations, est orienté vers la politique étrangère ; or, ces sujets constituent le principal champ d’action du président Trump.
- Remarque : il est régulièrement fait mention de cohabitation. Attention à l’emploi abusif de ce vocable. En effet, aux États-Unis cette situation n’a rien de comparable avec ce qui s’est passé en France sous plusieurs septennats.
Enfin, l’étude des résultats montre que, dans de nombreux États, l’écart entre vainqueurs et perdants est infime.
- Remarque : cette faible marge apparait, par exemple, en Floride avec 0,18% pour un siège de sénateur et 0,44% pour le poste de gouverneur ; en Géorgie avec 1,60% pour le poste de gouverneur ; en Arizona avec 1.01% pour un siège de sénateur…
Le champ des possibles reste donc ouvert.
Quels pronostics pour les élections de 2020 ?
Bien malin celui qui, aujourd’hui, peut prédire le résultat des prochaines élections présidentielles américaines. Ce d’autant qu’en deux ans, au rythme où vont les choses, le vent a le temps de tourner à plusieurs reprises. Il y a une seule quasi-certitude : l’attitude de Donald Trump ne changera guère. Considérons néanmoins quelques facteurs.
La Chambre des Représentants
Compte tenu de son périmètre, les Démocrates peuvent agir au plan local. L’infrastructure, par exemple, constitue un dossier majeur ; sa prise en compte leur gagnerait indubitablement nombre de voix.
- Remarque 1 : encore faudrait-il que les Démocrates renforcent leur cohésion. C’est tout le défi à relever par Nancy Pelosi ; à condition qu’elle ait tiré les enseignements de ses difficultés de 2006 à 2008 alors que l’ensemble du Congrès était Démocrate. La conquête de la Chambre constitue donc à la fois une chance et un risque.
- Remarque 2 : le champ d’action de l’exécutif en matière de politique intérieure se réduit. Il lui reste donc deux fenêtres de tir : la politique extérieure et le gouvernement par décret ; ce dont le Président ne s’est pas privé depuis son investiture le 20 janvier 2017.
L’économie
Le dynamisme économique a été favorable à Donald Trump. La conséquence a été de conforter ses électeurs. Mais cette situation qui, comme toujours, est une combinaison des décisions des prédécesseurs et de la conjoncture, va-t-elle se maintenir ? Rien n’est moins sûr.
- Remarque : un ralentissement, allié à la prise en compte par la Chambre de sujets locaux majeurs, jouerait indubitablement en faveur des Démocrates. Et inversement.
L’attitude de Trump
Il s’agit là d’un facteur déterminant.
Trump et la politique extérieure
Son mode d’action a fort peu de chance d’évoluer. Globalement, la teneur et la forme de ses propos conviennent à sa base. Cependant, certains points pourraient le mettre en difficulté. Ainsi, sa politique vis-à-vis de l’immigration, si elle ne pose pas de problème à bon nombre d’États, interpelle les frontaliers. En effet, ceux-ci sont bien conscients de la complexité du problème : cela a eu pour conséquence, par exemple, de mettre les Républicains en difficulté en Arizona malgré son orientation traditionnelle.
Trump et les Démocrates
Le discours de Donald Trump vis-à-vis de ses adversaires a été très dur. Le président n’a eu de cesse de les accuser de tous les maux. Si les Démocrates ne parviennent pas à transformer l’essai, il aura beau jeu de poursuivre en ce sens.
Trump et les femmes
Son attitude lui a valu les foudres de l’électorat féminin dont le vote a été majoritairement aux Démocrates : 55% des femmes ont voté contre les Républicains. Cependant, que se passerait-il s’il nommait un plus grand nombre de femmes à des postes significatifs ? Voire s’il choisissait une femme comme colistière pour la prochaine campagne ?
Le vote populaire
Hillary Clinton a remporté le vote populaire en 2016. Cela n’a pas suffit. La différence est venue du collège électoral qui a été favorable à Donald Trump dans trois États : le Michigan, le Wisconsin et la Pennsylvanie. Les Démocrates y ont certes gagné des voix supplémentaires lors des midterm elections. Mais c’est encore insuffisant. S’ils veulent avoir une véritable chance de l’emporter en 2020, il leur faudra amener aux urnes bon nombre d’électeurs qui ne votent jamais. De l’autre côté, le candidat Trump devra faire effort partout où les écarts sont faibles.
Conclusion
L’Histoire est loin d’être écrite. Plusieurs facteurs décideront de la victoire en 2020. Au-delà de tous ceux cités ci-dessus, il faudra, pour les Démocrates, choisir leur candidat. Des noms circulent déjà. Parmi eux se trouve Joe Biden, vice-président de Barack Obama de 2009 à 2017. Il est aujourd’hui crédité, dans l’optique des primaires, de 32% d’intentions de vote et fait la course en tête. Mais aux États-Unis, comme en France, on sait bien qu’il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.