Le 30 janvier 2018, Donald Trump prononçait son premier discours de l’état de l’Union. Un discours qui ne pouvait que satisfaire ses partisans. Un discours qui lui ressemble.
– certaines citations, particulièrement explicites, ont été laissées en langue anglaise –
Le 30 janvier 2018, le président des États-Unis, Donald Trump, prononçait devant le Congrès (Chambre des représentants et Sénat) son premier discours annuel dit de l’état de l’Union. Au bilan, il est possible de dire que la situation est inchangée : ceux qui s’opposent continueront de s’opposer, ceux qui croient en lui devraient continuer de croire, ceux qui doutent… pourraient faire pencher la balance lors des élections de mi-mandat. Mais le second semestre est encore loin.
Un peu d’histoire
Cet évènement annuel remonte à George Washington, premier président (1789-1797). Il est particulier. En effet, le Président ne peut entrer au Congrès sans sa permission. Le discours de l’état de l’Union est donc l’occasion pour le pouvoir exécutif de présenter son programme pour l’année en cours au pouvoir législatif ; ainsi qu’à tous ceux qui regardent la retransmission télévisée.
Les deux exceptions notables sont le discours d’investiture du premier mandat dans la poursuite de la campagne électorale (Donald Trump a prononcé le sien le 20 janvier 2017) et le discours de fin de mandat où il s’agit plutôt de dresser un bilan et d’aborder la campagne électorale. Celui de Barack Obama, prononcé le 12 janvier 2016, a été particulièrement remarqué tant le président sortant multipliait les mises en garde contre les idées extrémistes développées par certains candidats (sans jamais les nommer).
Traditionnellement, le discours comporte un rapide bilan de l’année écoulée suivi par le développement des grandes lignes de la politique envisagée.
Le discours de l’état de l’Union 2018 du président Trump
Sur la forme
Tout d’abord, le « bilan rapide » a occupé une part importante du temps de parole. Non seulement Donald Trump s’est éternisé dessus, mais en plus, il est régulièrement revenu sur ce volet avec les annonces pour 2018.
Ensuite, une part tout aussi importante était consacrée aux ‘American Heroes’, cités nominativement ou collectivement. Pas moins de vingt-six références directes plus celles aux combattants tombés lors des batailles de Yorktown et Saratoga ainsi que pendant les combats en Normandie et dans le Pacifique sont venues ponctuer le discours.
Enfin, le futur était principalement axé sur la politique intérieure, la partie dédiée à l’international étant réduite, mais explicite. Ce ratio n’est pas exceptionnel et correspond bien à ce que veulent entendre tous ceux qui ne s’intéressent pas à autre chose que leur périmètre proche. Le premier président Bush n’a pas été réélu pour avoir oublié cet aspect. Son fils, en revanche, s’est logiquement focalisé sur la guerre contre le terrorisme en réponse au traumatisme engendré par les attentats du 11 septembre 2001.
Sur le fond
Le bilan
Donald Trump revendique un bilan remarquable :
‘Over the last year, we have made incredible progress and achieved extraordinary success.’
Ceci est intéressant lorsque l’on sait que le seul véritable succès remporté est celui de la tax-cut enregistré après de nombreux atermoiements le 17 décembre. L’année 2017 a plutôt été l’année des revers, les décrets présidentiels étant mis en échec tantôt par le Congrès, tantôt par les juges fédéraux, tantôt par certains États. Elle a également été celle du questionnement entre changements à répétition de membres du gouvernement et de proches conseillers et volte face sur bon nombre de sujets.
Ceci n’empêche pas le Président de se féliciter, entre autres, de la création de 2,4 millions d’emplois et d’autres chiffres fort optimistes lesquels sont le résultat de la conjoncture et, surtout, de la politique menée avant son entrée en fonction. Parallèlement, les nombreuses références aux héros du quotidien viennent renforcer l’impact d’un tableau qui ne manquera pas de séduire ses partisans. Après tout :
‘Americans love their country. And they deserve a Government that shows them the same love and loyalty in return.’
Le programme 2018
Le fourre-tout
Entre répétitions du bilan et énumération d’intentions, ce discours de l’état de l’Union est un véritable patchwork. On y trouve, d’entrée de jeu, des références au deuxième amendement de la Constitution, la promesse de veiller à la protection des libertés religieuses, la volonté de régler la question de l’énergie et de poursuivre le renouveau de l’industrie automobile.
Parallèlement, les ministères devront tout faire pour récompenser les bons et loyaux serviteurs et pour renvoyer les mauvais sujets. Quant au pouvoir judiciaire, il évoluer dans la bonne direction puisque :
‘Working with the Senate, we are appointing judges who will interpret the Constitution as written…’
C’est à dire des juges qui ne contrecarrent pas les décisions présidentielles.
L’appel à l’unité
Depuis son investiture, le président Trump est quasi systématiquement contré par les Démocrates et, régulièrement, par certains Républicains. Il appelle donc le Congrès à travailler de manière bipartisane pour éviter le blocage de l’État, le fameux ‘shutdown’ dont les États-Unis ont connu un épisode de trois jours une semaine avant le discours de l’état de l’Union. Par la même occasion, il espère une démarche analogue au profit de l’ensemble de ses grands projets :
‘Tonight, I call upon all of us to set aside our differences, to seek out common ground, and to summon the unity we need to deliver for the people we were elected to serve’.
La poursuite du discours de campagne
Ceux qui ont suivi et, pour certains, approuvé le discours de campagne du candidat Trump n’ont été ni surpris, ni déçus par ce discours de l’état de l’Union qui en reprend les principaux aspects :
- la lutte contre le prix des médicaments (dans le cadre du détricotage toujours inachevé de l’Obamacare) ;
- la rénovation de l’infrastructure (pour laquelle le Président demande un budget de 1,5 milliards de milliards (trillions) de dollars) ;
- la révision de l’immigration laquelle passe par une régularisation sélective, des frontières durcies (avec la construction du fameux mur), la fin de la loterie qui permet d’obtenir un visa, la limitation du regroupement familial au conjoint et aux enfants mineurs ;
- la lutte contre les gangs et contre la drogue laquelle passe également par la maîtrise des frontières ;
- la renégociation des traités économiques et des accords économiques défavorables aux États-Unis.
‘The United States is a compassionate nation… But as President of the United States, my highest loyalty, my greatest compassion, and my constant concern is for America’s children, America’s struggling workers, and America’s forgotten communities.’
La politique extérieure
Elle comprend, bien entendu, la renégociation évoquée ci-dessus. Et constitue, elle aussi, une sorte de fourre-tout :
‘Around the world, we face rogue regimes, terrorist groups, and rivals like China and Russia that challenge our interests, our economy, and our values.’
Au-delà, elle est centrée sur :
- la modernisation de la composante nucléaire ;
- la lutte contre le terrorisme, laquelle comprend le maintien de la prison de Guantanamo (dossier sensible depuis plus d’une décennie) ;
- l’Iran (il s’agit, en priorité, de mettre un terme aux ‘fundamental flaws in the terrible Iran nuclear deal’.
- la Corée du Nord qui constitue l’adversaire potentiel majeur.
A noter également des strapontins pour Cuba et le Venezuela.
A retenir, enfin, la colère du président Trump suite au vote de l’ONU concernant la reconnaissance de Jérusalem comme capitale de l’État d’Israël :
‘As we strengthen friendships around the world, we are also restoring clarity about our adversaries.’
Et maintenant ?
L’édition 2018 du discours de l’état de l’Union ne peut qu’avoir ravi les partisans de Donald Trump. Après tout :
‘Americans fill the world with art and music. They push the bounds of science and discovery.’
La tonalité 2018 sera-t-elle analogue à celle de l’année précédente ? Certainement. L’appel au travail bipartisan a peu de chance d’aboutir : les partis se retrouvent sur certains sujets (comme sur le cas des ‘Dreamers‘) mais s’opposent sur d’autres (le mur, par exemple)… Le président, quant à lui, est toujours aussi lunatique : incitant à éviter le ‘shutdown’ fédéral lors de son discours, il en brandissait la menace le mardi suivant s’il n’obtenait pas du Congrès le budget qu’il demande.
L’année 2018 sera-t-elle très différente de 2017 ? Et bien, il y a les élections de mi-mandat en novembre. Mais ceci est une autre histoire…