Donald Trump peut-il encore remporter un second mandat en novembre 2020 ?
Vous connaissez tous l’adage qui veut que l’on n’a pas course gagnée tant que la ligne d’arrivée n’est pas franchie. Ou l’une de ses variantes : « il ne faut pas vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ».
Suite au discours de « l’État de l’Union » début 2020, je publiais un article à la fin duquel j’estimais qu’il était difficile, en février dernier, de voir ce qui pourrait empêcher Donald Trump de remporter un deuxième mandat le 3 novembre. C’était sans compter avec ce qui s’est produit depuis.
1. Les trois coups
Le premier écueil aura été le COVID-19. Ce dernier a, aux États-Unis, balayé en quelques semaines les résultats extrêmement favorables – véridiques ou non – martelés lors du discours mentionné ci-dessus. Coup d’arrêt économique, chômage aggravé, impact sur la minorité noire avec effet de bande sur la communauté asiatique constituent autant de coups de boutoir.
Le deuxième est venu réveiller des vieux démons. Au-delà de l’effet de la pandémie sur certaines minorités, un acte policier délictueux ayant entraîné la mort vient d’embraser le pays. Le décès de George Floyd à Minneapolis le 29 mai et les embrasements consécutifs raisonnent comme le nouveau chapitre d’une trilogie qui a commencé à Los Angeles en 1992 et a rebondi à Ferguson en 2014. Ce qui nous renvoie, d’ailleurs, à son préquel : le mouvement pour les droits civiques des années 50-60 et dont l’apogée fut la marche sur Washington du 28 août 1963.
Le troisième facteur provient du Président lui-même. Fidèle à sa stratégie, il a, en permanence, jeté de l’huile sur le feu, bien plus diviseur que rassembleur : discours contradictoires sur la dangerosité du COVID-19 puis sur l’utilité du confinement ; déclarations à charge concernant la mort de George Floyd ou vis-à-vis des médias (cf. l’analyse jointe) et des réseaux sociaux. Au point de menacer de bloquer certains de ces derniers (cf. l’article joint).
2. Responsable mais pas coupable
Évidemment, dans sa manière de procéder, Donald Trump a beau jeu de se placer au niveau de celui qui n’est responsable de rien, sauf de ce qui lui convient.
« Trump loves the rule of law. As long as it targets his enemies« (Richard Painter, dans le Washington Post du 31 mai).
Toujours en phase avec sa stratégie, il continue d’occuper le terrain en multipliant déclarations – quelles qu’elles soient – et attaques.
« Trump is right that free speech is in danger. But he won’t admit the danger is him« (Équipe éditoriale du Washington Post du 31 mai).
Il a beau jeu, enfin, d’user de la tactique bien connue qui consiste à trouver ou désigner des boucs émissaires. Qu’il s’agisse de la Chine pour avoir provoqué la pandémie ou des médias pour tout autre chose.
« Trump has sown hatred of the press. Now journalists are under assault from police, protesters« (Margaret Sullivan, dans le Washington Post du 31 mai).
3. Le règne de l’incertitude
Le succès de 2016 fut remporté d’une courte tête. Hillary Clinton remporta – certes de peu – le suffrage populaire mais les délégués choisirent majoritairement – mais de peu – Donald Trump. Donc, la question ici est celle commune à toutes les élections présidentielles : en dehors des socles respectifs, à qui ira le vote des indécis ? En 2016, ceux qui n’étaient pas satisfaits de leur sort ont choisi – et fait élire – le président actuel. Compte tenu de la violence de l’impact du COVID, dans quels état d’esprit seront-ils en novembre ?
Qu’en sera-t-il du vote des minorités (majoritaires en certains endroits) ? Partagées en 2016, certaines d’entre elles pourraient bien se retrouver unies dans le ressentiment.
Quid du choix des grands électeurs, surtout lorsque le vote populaire sera serré ? A titre d’exemple, en 2002 une nette majorité de membres du Congrès, tant au Sénat qu’à la Chambre des Représentants a donné son aval à l’attaque militaire de l’Irak (qui débutera en 2003). Certains l’ont fait par pur calcul politique et en opposition avec leurs convictions et l’avis de la majorité de leurs électeurs ; ceux-ci l’ont payé cash en perdant leur siège lors des élections de 2004.
Donc ?
Et bien, tout est toujours possible : la route est encore longue. Cependant, Donald Trump se trouve, cette fois, en bien plus mauvaise posture que prévu.
A ceci prêt qu’il n’est pas certain que son rival, Joe Biden, soit de taille. A moins que celui-ci n’étudie à marche forcée le RETEX de Hillary Clinton, candidate malheureuse en 2008 et 2016 (What happened/Ça c’est passé comme ça (Fayard, 2017).