I/ITSEC 2021 : la vision combinée des patrons de la marine américaine et du Corps des Marines à l’occasion du salon mondial de la simulation. Mots clefs : plus vite et mieux.
L’I/ITSEC (Interservice/ Industry Training, Simulation and Education Conference) s’est déroulée du 29 novembre au 3 décembre 2021. Après une édition en virtuel en 2020 pour cause de pandémie, le salon mondial de la simulation a retrouvé le présentiel. Ce faisant, il a également connu une première. Jusqu’à présent, lors de la cérémonie inaugurale, un haut responsable militaire exprimait sa vision de la simulation et énonçait les grandes lignes du besoin en la matière. En 2021, cette session co-organisée avec la marine américaine et le corps des marines, a eu droit à une table ronde réunissant les deux patrons : le Chef d’état-major de l’US Navy (Chief of Naval Operations (CNO)) et le Commandant de l’US Marines Corps (USMC).
Cliquer sur les liens ci-après pour plus d’information sur l’I/ITSEC en général, dans le cadre de l’édition 2017, ainsi que sur les éditions 2018, 2019 et 2020.
1. Maître mot : la convergence
D’emblée, l’amiral Michael M. Gilday et le général David H. Berger ont affiché une grande convergence de vues sur l’ensemble des sujets évoqués. Ce qui aurait pu, pour les esprits chagrins, passer pour une entente de façade s’est confirmé rapidement, chacun des deux intervenants trouvant des arguments venant renforcer le propos de l’autre.
“we work… as an integrated distributed force”
2. Pour progresser
Les forces armées américaines ont une longue habitude de l’emploi de la simulation. Cela ne les empêche pas de chercher à progresser et à évoluer. Ainsi, dans un contexte géopolitique tendu, à la suite du bilan d’exercices à grande échelle communs et dans le cadre d’un retour d’expérience (RETEX) global, les deux officiers généraux ont évoqué quelques pistes majeures. Celles-ci portaient sur des sujets de fond comme sur des aspects techniques.
2.1. À propos de l’humain
2.1.1. Améliorer le retour au bénéfice de l’opérateur
Quel que soit le niveau de celui-ci, il doit bénéficier d’un retour lui permettant de progresser. L’objectif premier consiste à combler les déficiences principales. Ainsi, si, généralement, l’entraînement est basé sur la performance collective, il doit également prendre en compte l’individu. Cette indispensable amélioration de l’entraînement individuel devrait être permise par l’utilisation personnalisée des données enregistrées par la simulation de manière à mettre en lumière les points forts et les points faibles du soldat.
2.1.2. Une formation adaptée
L’amélioration de la formation passe par son adaptation au niveau comme au besoin individuel, qu’il s’agisse des déficiences ou des savoir-faire liés à une fonction donnée. Qui plus est, cette progression doit passer par la possibilité d’accéder à son profil où que l’on se trouve de manière à contrôler et poursuivre sa formation.
2.1.3. L’initiative dans le respect de la hiérarchie
Les situations de crise ont leurs implications. D’autant qu’il s’agit d’aller vite. L’objectif, ici, est de développer une culture permettant, tout en respectant la hiérarchie, de dire les choses (les chefs aussi ont besoin d’un retour). L’existence d’une telle culture passe par un impératif : que chacun, à son niveau, assume ses responsabilités. C’est cette attitude qui a permis à la Navy et au Corps de continuer à fonctionner et à collaborer quasi normalement malgré la pandémie.
2.2. Mieux prendre en compte l’adversaire
2.2.1. Renforcer le réalisme
Ce besoin est inscrit à l’ordre du jour depuis des décennies. La sempiternelle question porte sur le positionnement du curseur rapporté au coût des systèmes de simulation. Or, ce problème prend une nouvelle tournure dans le cadre d’un retour possible à des conflits de haute intensité sans que, pour autant, les autres formes disparaissent. En outre, il est accentué par l’ère du numérique à tous les étages. Il s’agit donc, désormais, de modéliser les forces américaines ET leurs adversaires potentiels de la manière la plus précise possible pour pouvoir tirer les enseignements les plus pertinents possibles.
2.2.2. Mieux penser que l’adversaire
En partant du principe que l’adversaire dispose des mêmes capacités (que les forces armées américaines) de combat et d’entraînement, l’objectif n’est plus tant la maîtrise des systèmes – il y a quasi égalité – que de savoir comment penser. Désormais, il faut penser mieux et plus vite.
2.2.3. Mieux penser l’adversaire
Les armées américaines ont une longue habitude des red teams. Ce sont, en général, des Américains ayant une bonne connaissance d’un adversaire donné et qui s’efforcent de penser comme lui. Mais il est très difficile de faire abstraction de sa propre culture. En matière de simulation, la priorité doit désormais être accordée à la modélisation des modes d’action de l’ennemi (ce qui est cohérent avec le § 2.2.1.).
2.3. Mieux travailler ensemble
2.3.1. Accorder la priorité à l’entraînement
D’une manière générale, l’entraînement arrive, au mieux, en 3e ou 4e priorité, loin derrière l’équipement ou encore l’organisation. Désormais, il est indispensable de le placer au premier rang. Ce à quoi les deux officiers généraux s’emploient à leurs nivaux respectifs. À titre d’exemple, l’entraînement au sein de l’USMC est, désormais, confié à un général de corps d’armée (3 étoiles aux États-Unis) après l’avoir été longtemps à un général de brigade (1 étoile aux USA).
2.3.2. Établir une véritable intégration
Les militaires sont convaincus de la nécessité de combattre et s’entraîner de manière intégrée. Les questions d’interopérabilité figurent au programme depuis longtemps. Or, bon nombre des systèmes utilisés (systèmes de commandement, de simulation, etc.) sont propriétaires. Se pose alors la question récurrente : comment faire pour que lesdits systèmes dialoguent ensemble ? Elle se pose à l’intérieur des forces américaines ; elle se pose d’autant plus entre alliés.
Remarque : la question n’est pas seulement d’ordre technique. Il existe des passerelles qui permettent certains échanges. Mais arrive alors la question des données que l’on accepte de partager (du point de vue du pays comme du point de vue du constructeur).
2.4. Faire autrement
2.4.1. Accélérer
Le maître mot, ici, est vitesse. Compte tenu du contexte, il est impossible de continuer au rythme régulier et bien cadencé qui a prévalu jusqu’ici. Au contraire, il est indispensable de bousculer les habitudes et de procéder plus rapidement de manière à satisfaire des besoins immédiats ou urgents. L’amélioration des évolutions nécessite donc d’utiliser deux lampes simultanément : l’une pour voir où l’on met les pieds ; l’autre pour regarder plus avant (pour ne pas perdre le cap).
2.4.2. A propos de la bande passante
La question de la bande passante est omniprésente (chacun a pu le constater lors des différents confinements). Elle est encore plus prégnante en mer où les systèmes existants et leur nombre ne permettent pas de tout contrôler. Il y a un besoin fort pour développer un nouveau système de réseau qui soit adapté au besoin et à la spécificité du milieu.
2.4.3. L’information au bon moment
En corrélation avec le paragraphe 2.2.2., se pose la question de la capacité à fournir des indicateurs pertinents pour une prise de décision rapide. Que celle-ci soit collective ou individuelle.
3. Conclusion
La simulation, à l’instar du besoin, est en permanente évolution. La priorité doit donc être accordée, aujourd’hui, à la vitesse et à la réponse à des besoins immédiats. Mais attention : il ne faut pas pour autant perdre de vue les travaux de fond. Et c’est là toute la difficulté. Lors des engagements en Afghanistan et en Irak qui ont débuté respectivement en 2001 et 2003, la priorité a été accordée logiquement à l’immédiat. Ce faisant, plusieurs projets en cours ont été stoppés. Or, leurs résultats seraient bien utiles aujourd’hui.