Les élections de mi-mandat constituent un moment fort de la vie politique aux États-Unis. De quoi s’agit-il ? Celles de 2018 sont-elles véritablement importantes ?
Les élections de mi-mandat (ou midterm elections) se déroulent tous les quatre ans. Le mandat de référence est celui – d’une durée de quatre ans, donc – du président des États-Unis. Il se calcule à partir de son élection, le premier mardi de novembre, et non pas de son investiture qui intervient au mois de janvier suivant. L’actuel Président a été élu en novembre 2016, les prochaines élections de mi-mandat se tiendront le 6 novembre 2018.
Or, beaucoup attendent ces dernières avec impatience. La raison en est simple : la personnalité pour le moins particulière de Donald Trump, actuel occupant de la Maison Blanche. Celle-ci s’est révélée lors de la campagne de 2016. Elle s’est précisée dès son investiture. Enfin, le Président n’a eu de cesse d’entretenir une forme de doute tout en restant fidèle à lui-même (cf. l’article sur l’état de l’Union sur ce blog).
Mais à quoi correspondent exactement ces élections qui, précisons-le d’emblée, ne se limitent pas seulement à la politique de Washington ? Quelles sont les attentes, notamment de l’opposition ? Et pour quelles conséquences potentielles ?
Les élections de mi-mandat : généralités
Destination Washington, D.C.
Ce qui attire le plus l’attention est, effectivement, le résultat des élections du Congrès. En effet, lors des midterm elections, les électeurs renouvellent l’intégralité des 435 sièges de la Chambre des Représentants (leur nombre étant fonction de la population des États) et un tiers des 100 sièges du Sénat (deux par État). Dans un pays fondé sur l’équilibre des pouvoirs et où le législatif (le Congrès) joue pleinement son rôle, on comprend l’importance de l’évènement.
- Remarque 1 : le mandat des Représentants est de deux années. Ils sont donc renouvelés intégralement tous les deux ans.
- Remarque 2 : le mandat des Sénateurs est de six années. Les mandats de 33 ou 34 des 100 sénateurs sont donc renouvelés tous les deux ans.
- Remarque 3 : ces législatives se déroulent tous les deux ans. Mais celles de mi-mandat ont valeur de sanction, alors qu’il y a généralement cohérence lorsqu’elles se déroulent la même année que l’élection présidentielle.
Mais il y a plus
Comme mentionné plus haut, les élections de mi-mandat ne se limitent pas à la capitale fédérale. Et n’oublions surtout pas qu’avant de parler d’un pays qui s’appelle les États-Unis, il s’agit d’états unis.
Ainsi :
- une majorité d’États élisent leur gouverneur (donc leur exécutif). La durée de leur mandat est de quatre ou deux ans selon les États ;
- simultanément bon nombre d’entre eux votent pour leurs propres assemblées législatives (state legislature). Celles-ci sont bicamérales, à l’instar du Congrès fédéral, sauf au Nebraska ;
- enfin, il ne faut pas oublier les municipales. Les maires sont, pour la plupart, élus pour quatre ans.
Il est donc clair que les élections de mi-mandat peuvent tout à fait modifier en profondeur le paysage politique du pays… ou bien le confirmer.
Les élections de mi-mandat de 2018
Quelques chiffres
Ainsi, 2018 verra le renouvellement ou la réélection de :
- 435 représentants ;
- 33 sénateurs ;
- 36 gouverneurs d’États sur 50 et 3 gouverneurs de US territories sur 14. Ces territoires correspondent à des îles qui ne sont pas incluses dans des États ;
- 87 des chambres législatives d’États sur 99 et 6 des 9 chambres législatives des territoires (tous ne s’en sont pas dotés) ;
- les maires de quelques villes notables comme San Francisco… ou la capitale fédérale, Washington.
Sur les attentes
Celles de ces élections de mi-mandat sont assez « simples ».
Pour le Président et le Parti Républicain, il s’agit de confirmer le soutien à la politique en cours. Un succès leur garantirait les coudées franches et constituerait une étape favorable à une réélection de Donald Trump qui n’en est qu’à son premier mandat.
Pour l’opposition, matérialisée essentiellement par les Démocrates, il s’agit, au contraire, au mieux d’inverser la tendance, au minimum de réduire les capacités d’action de Donald Trump : celui-ci s’emploie, depuis son investiture, à défaire ce qu’a fait son prédécesseur. Qui plus est, en toile de fond, se profile la question de l’impeachment, procédure de mise en accusation qui pourrait aboutir à la destitution du Président.
- Remarque : une telle procédure est initiée par la Chambre des Représentants. On comprend d’autant mieux l’importance du vote de 2018.
Les élections de mi-mandat de 2018 : éléments de réflexion
A quelques semaines de l’échéance, voici comment je vois les choses :
Les forces en présences
Fort logiquement, il y a les définitivement acquis à chaque Parti. Comme toujours, la variable d’ajustement comprend les indécis et les mécontents. Ces deux dernières catégories constituent la cible des lobbyistes.
- Remarque : pour une certaine vision du lobbyisme, je suggère d’étudier le film ‘Miss Sloane’.
Donald Trump dans la ligne de mire ?
Il convient de se rappeler ce qui a permis à Donald Trump d’arriver à la Maison Blanche : un formidable mécontentement de tous ceux qui se sentaient laissés sur le bord de la route depuis longtemps. Donc le vote des frustrés au minimum des huit années de présidence Obama. A tort ou à raison ; que ce dernier soit responsable ou non de leur situation.
Or, ceux qui ont porté Donald Trump au pouvoir sont toujours, semble-t-il, convaincus de l’efficacité de son action et de la justesse de ses intentions.
Il n’est donc pas certain que les vents contraires provoquent le raz de marée escompté par l’opposition. Ce, d’autant plus que le Parti Républicain semble moins vindicatif à l’égard du Président qu’au début de son mandat. Que ce soit par conviction ou par calcul politique. Ou en raison de la disparition du sénateur John McCain.
Quid de l’impeachment ?
Soyons réalistes : une telle mesure ne peut être déclenchée qu’à partir d’éléments concrets et extrêmement graves. Pour mémoire, la procédure à l’égard du président Bill Clinton a été initiée non pas en raison de ses rapports extra-conjugaux mais parce que le Président avait menti sous serment. Ce qui constitue, aux États-Unis, un crime fédéral.
Par ailleurs, pour qu’elle aille jusqu’à son terme il lui faut être votée par l’intégralité de la Chambre ainsi que par les deux tiers des sénateurs (67). Elle est donc techniquement possible mais loin d’être certaine.
Quid des résultats pour le Congrès ?
Si la possibilité d’une Chambre des Représentants démocrate est tout à fait envisageable, la situation est moins probante du côté du Sénat lequel n’est que partiellement renouvelé.
Maintenant, what if?
Ce n’est pas la première fois que les élections de mi-mandat tournent au désavantage de l’occupant de la Maison Blanche. Ainsi, en 2006, c’est bien l’ensemble du Congrès qui a basculé dans le clan démocrate ; et qui a vu l’intronisation de Nancy Pelosi comme speaker puis chef de file des Démocrates à la Chambre (poste qu’elle occupe toujours aujourd’hui). Pour quel résultat ? Certes, George W. Bush a modifié sa stratégie en Irak ; mais cette révision était inéluctable. Pour le reste, les Démocrates n’ont guère réussi à s’entendre ce qui a permis au Président de l’époque de poursuivre l’essentiel de sa politique…
Conclusion (temporaire)
Lors des dernières primaires du Parti Républicain, les analyses selon les critères français n’imaginaient pas que Donald Trump puisse l’emporter ; elles n’intégraient guère le formidable mécontentement d’une partie importante de la population. Lors du duel avec Hillary Clinton, les mêmes analyses n’envisageaient pas que celle-ci puisse perdre ; elles sous-estimaient l’anti-Clinton primaire ambiant.
Pour ce qui concerne les élections de mi-mandat de 2018, il faudra éviter, cette fois, de confondre bruit médiatique – réseaux sociaux compris – et nombre de voix. D’autant qu’il y aura, jusqu’à la dernière minute, une inconnue de taille : la participation. En effet, celle des midterm elections se situe généralement autour des 40%. Si Donald Trump parvient à mobiliser ses troupes, il aura de grandes chances de gagner son pari.