L’I/ITSEC s’est imposée comme le rendez-vous annuel et mondial du monde de la simulation. Explication. Morceaux choisis de l’édition 2017.
L’I/ITSEC ou Interservice/ Industry Training, Simulation and Education Conference, est apparue en 1966. Ce salon – plus communément appelé ‘itsec’ – s’est peu à peu imposé comme le rendez-vous annuel et mondial de la communauté de la simulation.
1. Pourquoi l’I/ITSEC incarne-t-elle la simulation ?
La simulation moderne a pris son essor chez les militaires en général et aux États-Unis en particulier. Or, dans ce pays, militaires, industriels et universitaires cohabitent aisément. Mieux, ils coopèrent. Certains États font figure de moteur en la matière. C’est le cas, par exemple, du Kansas, de la Virginie ou encore de la Floride. Ce n’est donc pas vraiment un hasard, si l’I/ITSEC se tient chaque année, fin novembre ou début décembre, à Orlando, en Floride. Ce n’est pas non plus un hasard si Orlando est surnommée ‘simulation alley’, elle qui héberge plusieurs organismes militaires et diverses sociétés dédiés à la simulation (plus ici) ainsi que l’University of Central Florida très investie dans ce domaine.
L’I/ITSEC est un salon mondial car tous les pays impliqués dans la simulation ou désireux de l’être s’y rendent. C’est la référence car unique en son genre. Certes, il y a l’ITEC qui se tient chaque année dans un pays européen ; mais, s’il n’est pas à sous-estimer, cet évènement est plus intime et n’a pas la même ampleur. Certes, il y a Eurosatory (en France, chaque année paire) mais, bien que, depuis une dizaine d’années, un espace conséquent lui soit dédié, la simulation ne constitue pas le cœur de ce salon consacré à l’équipement militaire terrestre dans son ensemble.
Ce qui nous ramène encore et toujours à Orlando et à l’I/ITSEC.
2. Qu’est-ce que l’I/ITSEC ?
Comme tous les salons de grande envergure l’I/ITSEC a plusieurs facettes et propose à ses visiteurs de multiples activités. Leur nombre et leur richesse font qu’il est impossible à une personne seule d’en faire véritablement le tour.
Il y a, bien entendu, le salon à proprement parler. Le nombre d’exposants est tel qu’il vaut mieux, d’une part, posséder de bonnes chaussures pour arpenter les nombreuses travées et, d’autre part, élaborer une stratégie de visite.
Cette stratégie, véritable plan de recherche, ne se limite d’ailleurs pas aux seules visites. En effet, simultanément se tiennent de multiples conférences. Ces dernières sont, pour certaines, à caractère très technique quand d’autres sont plus généralistes. Dans les deux cas, elles constituent une bonne synthèse des études prospectives et des expérimentations en cours.
Deux journées méritent une mention particulière. Le lundi propose du matin au soir plusieurs sessions de « tutoriels » qui permettent à ceux qui visitent le salon pour la première fois et aux nouveaux venus dans le milieu d’acquérir une sorte de kit de survie pour tirer le maximum de leur venue. Le mardi matin est marqué par la cérémonie inaugurale suivie – c’est, à mes yeux, le point clef – par le ‘General/Flag Officer Panel’, table ronde où les responsables de la formation et/ou de l’entraînement de l’interarmées, de l’armée de terre, du corps des marines, de la marine et des garde-côtes exposent leur besoin à court et moyen terme.
La richesse des informations disponibles fait que ce salon s’adresse bien à tous, de l’utilisateur final à l’industriel, en passant par le chercheur, le formateur, l’ingénieur, le décideur… Ce qui rajoute une autre dimension à l’I/ITSEC : l’opportunité de rassembler autant de personnes différentes mais complémentaires, de manière inopinée ou planifiée. Situation dont peuvent profiter les visiteurs provenant d’un même pays mais qui n’ont pas toujours la possibilité d’échanger dans les meilleures conditions à domicile. Moralité, se réunir physiquement et loin du lieu de travail, sans être dérangé pour un oui ou pour un non, a du bon et peut se révéler extrêmement profitable.
3. Coup d’œil sur l’I/ITSEC 2017
Compte tenu de ce qu’il m’a été possible de suivre, voici quelques coups de projecteurs sur la conférence 2017 dont le thème était « harnessing new technologies to win in a complex world ». Ce qui invite d’emblée à évoluer et à aller de l’avant.
3.1. Morceaux choisis de la cérémonie inaugurale et du ‘General/Flag Officer Panel’
3.1.1. Le général commandant US Army TRADOC
- L’entraînement constitue le principal moyen pour changer les habitudes.
- Le monde est de plus en plus complexe. De nouvelles dimensions sont apparues (l’espace, le cyber…) ; l’entraînement doit absolument intégrer ces nouveaux horizons.
- L’entraînement instrumenté est incontournable. C’est celui qui cible l’essentiel. Il est cependant couteux. Il s’agit donc de s’appuyer sur d’autres formes de simulation qui, elles, permettent de pratiquer au quotidien.
- Quand on lui présente de nouveaux systèmes de simulation, le commandeur doit y voir d’emblée la solution à son problème et non pas des outils en plus dont il lui faudra lui-même élaborer l’usage.
- Il est impératif d’en finir avec la stricte séparation de la formation et de l’entraînement. Alors que l’entraînement s’adapte relativement rapidement au besoin opérationnel, la formation n’évolue pas avec la même célérité. La simulation constitue un bon moyen pour combiner les deux.
3.1.2. Le président de Raydon Corporation
- Nous avons quitté l’ère industrielle pour rentrer dans celle de l’information. C’est dans un esprit de domination de l’information qu’il faut, désormais, s’entraîner.
- Il est donc impératif de penser différemment et d’agir différemment.
- Nous (entreprises, partenaires, etc.) devons coopérer et nous adapter- ce qui n’exclut pas la rivalité – sous peine de disparaitre.
3.1.3. Le représentant du ministère de la défense
- L’objectif [qui n’est pas nouveau, ndr] consiste à accélérer les processus d’acquisition.
3.1.4. Le représentant de la marine
- Ce que le combattant attend, dès la mise en place (from Day 1) d’un nouveau système :
- savoir ce que le système peut et ne peut pas faire,
- qu’il soit interopérable avec les autres,
- qu’il possède toutes les caractéristiques principales pour lesquelles il a été acheté.
- L’avenir est à l’entraînement live, virtual, constructive (LVC).
3.1.5. Le représentant du Corps des Marines
- Il s’agit de créer un environnement d’entraînement qui aille bien au-delà de ce qui se fait aujourd’hui.
- L’entraînement LVC est nécessaire pour l’entraînement des états-majors et des postes de commandement subordonnés.
3.1.6. Le commandant du Combined Arms Center (CAC) de l’US Army
- L’enjeu consiste à sortir d’une période de 15 années de formation et d’entraînement aux opérations de contre-insurrection (cf. 3.1.1.).
- Si les « petites unités » (bataillons, brigades) sont au point, il y a beaucoup à faire pour les grandes formations (divisions, corps), sans parler de l’entraînement multi-domaines.
3.1.7. Le représentant de l’armée de l’air
- L’environnement est de plus en plus exigeant. Il requiert donc un entraînement de plus en plus réaliste.
3.1.8. Le représentant de l’OTAN
- C’est le temps du partage de l’information.
- L’OTAN s’appuie sur un réseau d’innovation.
- La simulation est considérée comme un service.
3.2. Quelques produits
Voici quelques produits qui ont retenu mon attention.
3.2.1. La caisse à sable numérique
Depuis deux décennies, la caisse à sable numérique a fait l’objet de nombreuses tentatives. Celle de NEXTER semble toucher au but. Elle permet de réaliser l’ensemble du travail collaboratif d’élaboration des ordres. Elle offre une interaction avec les unités au contact via des tablettes. Elle interagit avec les systèmes d’information opérationnelle et de commandement. Enfin, elle est couplée avec une simulation constructive permettant de dérouler plusieurs scénarios.
3.2.2. Le suivi de la formation et de l’entraînement de bout en bout
Assurer le suivi global des étapes de formation, élaborer des exercices d’entraînement, effectuer des débriefings et des rapports d’activité, extraire les indicateurs documentés nécessaires aux commandeurs pour évaluer leurs unités. C’est ce que permet de faire EXONAUT de 4C Stategies.
3.2.3. Le terrain en 3D
Plusieurs sociétés proposent des solutions permettant la réalisation de bases de données terrain en 3D. PRESAGIS, consciente de l’envolée exponentielle du nombre des données, a présenté VELOCITY à l’I/ITSEC, solution adaptable et évolutive permettant la mise à jour automatisée desdites bases.
3.3. Simulation et serious games
La juxtaposition de « jeu » et « sérieux » en interpelle plus d’un. Et pourtant les serious games ne sont pas nouveaux. Ils ont fait leur apparition sous leur forme numérique dans le monde de la simulation moderne, et plus particulièrement à l’I/ITSEC, au début du XXI° siècle. Ils ont, depuis, gagné en maturité et il n’est pas un salon de ce genre sans un concours de jeux sérieux.
D’abord liés aux affaires militaires, ils ont, peu à peu, investi d’autres domaines : le médical ; la gestion ; l’enseignement ; les questions de société… Parmi les finalistes de 2017 (résultats ici), j’ai été intéressé par deux produits qui ne relèvent pas du militaire. Le premier se situe dans l’Italie du XV° et du XVI° ; il permet d’inculquer des repères à l’élève alors qu’en matière d’Histoire ceux-ci sont de plus en plus flous, pour ne pas dire inexistants. Le second est centré sur le harcèlement (ou bullying) sujet de plus en plus sensible à l’école ; et ailleurs…
Et au-delà ?
L’I/ITSEC 2018 sera centrée sur l’éducation et la formation. De quoi faire le lien avec ce qui précède.
Et, en guise de post scriptum, cette phrase du président de Raydon Corporation (cf. 3.1.2.) :
« Les personnes inefficaces rendent les choses simples compliquées. Les gens compétents rendent les problèmes complexes simples. »